Vive la mondialisation
PARIS (AFP) - Le débat sur l'exportation des musées français à l'étranger, symbolisé par l'ambitieux et rémunérateur projet d'un Louvre à Abou Dhabi, n'en finit pas de rebondir, les uns dénonçant le mélange patrimoine et gros sous, les autres plaidant diffusion culturelle et réalité du terrain.
La polémique enfle depuis une semaine, les
tribunes se multiplient et la liste de ceux qui estiment, sur
www.latribunedelart.com, que les "musées ne sont pas à vendre",
s'allonge.
Jeudi matin, ils étaient 2.380,
conservateurs, archéologues, historiens de l'art, personnels de musée
ou simples "amis de l'art", à demander le "maintien de l’intégrité des
collections des musées français" et à s'inquiéter des risques de
dérives mercantiles.
Dans le collimateur, plusieurs projets en cours ou déjà achevés : une antenne du Louvre à Atlanta, un projet d'implantation du Centre Georges-Pompidou d'ici la fin 2007 à Shanghai
et surtout, la perspective pilotée par le ministère de la Culture, d'un
musée à Abou Dhabi estampillé Louvre mais regroupant les grands musées
parisiens.
Les protestataires, répondant à une
tribune signée de grands noms des musées comme Françoise Cachin,
ancienne directrice des musées de France, et Jean Clair, ancien patron
du musée Picasso, s'inquiètent de voir partir les oeuvres d'art pour
des prêts à long terme.
Mais surtout, ils déplorent une forme d'"entertainment business" à l'exemple "désastreux", écrivent-ils, du musée Guggenheim de New York, qui transforme l'oeuvre d'art en monnaie d'échange et assujettit l'art à des "enjeux politiques et diplomatiques".
Les "musées ne sont pas à vendre et nous
ne vendons pas nos musées", a rétorqué jeudi Francine Mariani-Ducray,
directrice des Musées de France du ministère de la Culture, interrogée
par l'AFP.
Le "paradoxe (de cette polémique), c'est
que nous sommes attachés aux mêmes principes, de déontologie, de
propriété publique inaliénable, d'absence de location commerciale des
oeuvres qui constituent nos collections publiques", a-t-elle ajouté.
Oui, il y aura prêt d'oeuvres, dit-elle,
mais comme d'habitude, de deux mois à deux ans. Oui, il y a
contrepartie financière et le chiffre de 500 M d'euros avancé dans la
presse n'est pas "invraisemblable", mais ce projet "apporte une
capacité de ressources que l'on aurait bien tort de mépriser", dit-elle.
Le ministre de la Culture Renaud Donnedieu
de Vabres a annoncé jeudi que le produit de l'exportation des musées
français à l'étranger n'irait pas dans "la caisse générale de l'Etat",
mais serait réinvesti dans les musées nationaux. "Nous sommes dans le
gagnant-gagnant", a-t-il affirmé lors de la séance des questions au
Sénat.
"L'idée qu'on va vider les cimaises du
Centre Pompidou pour Abou Dhabi est un pur fantasme", a déclaré à l'AFP
Bruno Racine, le président du Centre. Il s'agit d'une "stratégie
culturelle" et d'une "réponse au défi de la mondialisation", a-t-il
dit.
"Notre intérêt pour la Chine
résulte d'une analyse sur la place qu'occupera ce pays sur la scène
artistique mondiale dans les années à venir", a-t-il ajouté.
Le musée du Louvre, symbole malgré lui du
projet Abou Dhabi, se refusait jeudi à communiquer sur un sujet qui
n'est pas de son ressort. Il précise cependant que l'antenne d'Atlanta,
entièrement financée par des mécènes américains, lui rapportera 5,4 M,
affectés à la rénovation des salles de mobilier du XVIIIe siècle
français, et non 14 M EUR, somme évoquée ici ou là.
Article rédigé par Fabienne FAUR
Votre humble narrateur tient à rappeler que la prostitution est interdite... même pour la Joconde. Quelques points d'interrogation cependant :
1) La dérive pourrait aller jusqu'à côter en bourse les musées & donc faire appel à des actionnaires. Quand on sait que ceux-ci demandent de plus en plus souvent des rémunérations de leurs actions à hauteur de 25 % du bénéfice (pour subventionner leurs retraites), quelle sera la prochaine stratégie du Louvre ?
2) Faire appel à ce service de location d'oeuvres d'art a un coût... auprès de qui se répercutera-t-il ? Combien les visiteurs devront-ils payer leur billet d'entrée ? Qui pourra se permettre d'accéder à la culture dans ces pays ?
3) Si un tel marché se développe, pourrons-nous rester compétitif ? N'est-ce pas le meilleur moyen de dévaluer le patrimoine artistique français (seule richesse qu'il nous reste) ?